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15 janvier 2013 2 15 /01 /janvier /2013 12:48

 

Séminaire Livre IV – La relation d’Objet Jacques LACAN

 

Chapitre IX

 

LA FONCTION DU VOILE

 

 

Dans ce chapitre Lacan aborde le problème qui matérialise la question de l’objet de façon aigüe, à savoir le fétiche et le fétichisme et pose, page 151, et d’emblée un paradoxe, à savoir que :

 

« Ce qui est aimé dans l’objet, c’est ce dont il manque »

et

« On ne donne que ce qu’on n’a pas ».

 

 

Pages 151/152

Lacan nous rappelle que cette question du fétichisme a été abordée par Freud dans 2 textes : 3 essais sur la théorie de la sexualité et l’article Le fétichisme où Freud précise que « le fétiche est le symbole de quelque chose, à savoir le pénis, mais pas n’importe quel pénis ». Lacan de rajouter l’importance de cette précision et son inexploitation dans le fond structural car dit-il « le pénis dont il s’agit n’est pas le réel mais celui que la femme a - c’est-à-dire en tant qu’elle ne l’a pas ».

 

Les choses se compliquent !

 

Lacan précise ici le point oscillant sur lequel il s’agit de s’arrêter sur ce qui est ordinairement éludé, ainsi pour « ceux qui ne se servent pas de nos clés, c’est une méconnaissance du réel – il s’agit du phallus que la femme n’a pas mais qu’il faut qu’elle ait pour des raisons qui tiennent au rapport douteux de l’enfant avec la réalité », ceci étant la voie commune conduisant à toutes sortes d’impasses. Ainsi et pour éviter les errances de certains auteurs s’ils évitent ce point, Lacan précise que le nerf différentiel est le suivant :

 

  • « Il ne s’agit pas d’un phallus réel en tant que comme réel, il existe ou n’existe pas mais d’un Phallus symbolique en tant qu’il est de sa nature de se présenter dans l’échange comme absence et fonctionnant comme telle »

 

Tout ce qui se transmet dans l’échange symbolique est autant absence que présence, et il est fait (l’échange) pour avoir cette sorte d’alternance fondamentale, à savoir qu’étant apparu en un point, il disparaît pour réapparaître en un autre.

 

Ce qui se résume ainsi :

 

Il circule et du point d’où il vient il y laisse le signe de son absence, le Phallus est donc un objet symbolique.

 

 

Page 153

Ainsi s’établit à partir de cet objet un cycle structural de menaces imaginaires qui limite la direction et l’emploi du phallus réel : c’est le sens du complexe de castrationdans lequel l’homme est pris.

Mais au-delà de cet aspect, il est un autre usage, caché par les fantasmes plus ou moins redoutables de la relation de l’homme aux interdits portant sur l’usage du phallus, c’est la fonction symbolique du phallus que en tant qu’il est là ou qu’il n’est pas là, s’instaure la différenciation symbolique des sexes.

 

Le Phallus, la femme ne l’a pas, symboliquement, mais ne pas l’avoir, c’est participer à son absence et donc en quelque sorte l’avoir.

 

Le Phallus est toujours au-delà de toute relation entre homme et femme, il peut faire l’objet d’une nostalgie imaginaire de la part de la femme du fait qu’elle n’a qu’un tout petit phallus qu’elle peut juger insuffisant mais ce n’est pas la seule fonction qui entre en jeu pour elle, car prise dans une relation intersubjective, il y a, au-delà d’elle pour l’homme, ce phallus symbolique qu’elle n’a pas mais qui existe là en tant qu’absence (rien à voir ici avec l’infériorité imaginaire qu’elle peut ressentir concernant sa participation réelle au phallus).

 

Ce phallus ou pénis symbolique joue un rôle essentiel dans l’entrée de la fille dans l’échange symbolique : c’est en tant que la fille, à partir de la dialectique symbolique d’avoir ou de ne pas avoir ce phallus, entre dans cette relation ordonnée et symbolisée qu’est la différenciation des sexes (relation interhumaine assumée, ordonnée, typifiée, frappée d’interdits et marquée notamment par l’interdit de l’inceste).

Lacan précise que c’est bien ce que veut dire Freud quand il précise que c’est par l’intermédiaire de l’idée de castration à savoir que la fille n’a pas le phallus, pas plus qu’elle ne l’a symboliquement mais qu’elle peut l’avoir, qu’elle entre dans le complexe d’Œdipe et que le garçon en sort.

 

Page 154

Les femmes s’échangent donc comme objets entre les lignées mâles, en tant qu’elles sont symboliques et improbables, c’est-à-dire que les femmes se rangent côté androcentrique (côté de l’homme) marquant les structures élémentaires de la parenté, et échangent le phallus qu’elles reçoivent contre un enfant qui prendra alors pour elles la fonction d’ersatz, de substitut, d’équivalent du phallus introduisant dans la généalogie patrocentrique (du père), en elle-même stérile, la fécondité naturelle. En s’attachant à cet objet unique central, caractérisé par le fait qu’il n’est pas un objet (basique), mais un objet qui a subi radicalement la valorisation symbolique, les femmes entrent donc, par l’intermédiaire du rapport au Phallus, dans la chaîne de l’échange symbolique, s’y installent et y prennent leur place.

 

Que la femme se donne exprime donc l’affirmation du don. Et Lacan de préciser que « nous rejoignons ici l’expérience psychologique concrète telle qu’elle nous est donnée qui est, en cette occasion paradoxale : dans l’acte d’amour c’est la femme qui reçoit réellement et bien plus qu’elle donne » ... « ainsi il n’y a pas position plus captatrice, voire plus dévorante sur le plan imaginaire ». L’affirmation contraire stipulant que la femme se donne signifie qu’elle le fait sur le plan symbolique en tant qu’elle échange ce qu’elle a reçu (le phallus symbolique) contre quelque chose (l’enfant).

  • Note perso : à bien y regarder et en effet recevoir un enfant « réel » contre un phallus symbolique démontre bien qu’elle reçoit bien plus qu’elle donne.

 

Le Fétiche, nous dit Freud, représente le phallus en tant qu’absent : le phallus symbolique.

 

Lacan nous précise qu’il faut ce renversement initial pour pouvoir comprendre le paradoxe dont il est question. En effet, il serait logique, si tout était sur le plan de la déficience ou de l’infériorité imaginaire, que ce soit chez la fille en tant que privée du Phallus, que le fétichisme se déclare le plus ouvertement. Or, il n’en est rien, le fétichisme est extrêmement rare chez les filles « au sens propre et individualisé où il s’incarne dans un objet pouvant répondre symboliquement au Phallus en tant qu’absent ». Il concerne donc davantage les hommes.

 

Voyons comment s’engendre cette relation singulière d’un sujet à un objet qui n’en est pas un :

 

Page 155

Selon l’analyse, le fétiche est un symbole et se trouve à cet égard presque sur le même pied que n’importe quel autre symptôme névrotique, sauf qu’avec le fétichisme, il ne s’agit pas de névrose mais de perversion(nosographiquement parlant) et comme l’exprime Lacan, cela ne va pas tout seul, rajoutant que certains auteurs déterminent le fétichisme à la limite des perversions et des névroses du fait du caractère électivement symbolique du fantasme crucial.

 

Lacan nous propose de partir du plus haut de la structure et de nous arrêter un instant à cette position d’interposition qui fait que « ce qui est aimé dans l’objet est quelque chose qui est au-delà »… « Ce quelque chose est rien sans doutemais à la propriété d’être là symboliquement »… « et c’est parce qu’il est symboleque non seulement il peut mais doit être ce rien ».

 

Pour matérialiser cette relation d’interposition, l’image la plus fondamentale de la relation humaine au monde est le voile, le rideau.

En effet, le voile ou le rideau, devant quelque chose, est ce qui permet le mieux d’imaginer la situation fondamentale de l’amour.

 

Ainsi avec la présence du rideau, on peut dire que : ce qui est au-delà comme manque tend à se réaliser comme image. En effet sur le rideau ou le voile se peint l’absence, ce qui est d’ailleurs la fonction d’un rideau quel qu’il soit, dont la valeur, son être et sa consistance, sont d’être justement ce sur quoi se projette et s’imagine l’absence.

 

Le rideau est l’idole de l’absence(jolie phrase).

 

Si la métaphore du voile de Mâyâ exprime le rapport de l’homme avec tout ce qui le captive et non sans raison, elle tient surtout au fait du sentiment d’une illusion fondamentale dans tous les rapports tissés de son désir et c’est bien ce dans quoi l’homme incarne, idolifie son sentiment de ce rien qui est au-delà de l’objet de l’amour.

 

  • Note perso : Dans la philosophie spéculative védique, la Māyā est l'illusion d'un monde physique que notre conscience considère comme la réalité. De nombreuses philosophies ou recherches spirituelles cherchent à « percer le voile » afin d'apercevoir la vérité transcendante, d'où s'écoule l'illusion d'une réalité physique. Le concept de māyā devient négatif dans le bouddhisme mahâyâna, qui désigne māyā comme l'absence de nature propre des phénomènes, la vacuité : Les ignorants ne comprennent pas que toutes choses sont de la nature de māyā, comme le reflet de la lune dans l'eau, qu'il n'existe pas de substance du soi qu'on puisse imaginer comme une âme dotée d'une existence propre. (Sūtra Lankavatara)

Poursuivons :

Ce schéma fondamental est à garder à l’esprit pour situer les éléments entrant en jeu dans la relation fétichiste.

  • Note perso : J’insère ici un extrait du texte « Lacan, le voile et la perversion » ainsi qu'un schéma

 

Le fétichisme :

Le voile, posé par le sujet sur le manque phallique de la mère (de la femme) est le substitut (l’Ersatz) du phallus, ici immédiatement replacé/déplacé sur… ce qui a été vu en dernier, avant la « vision » du manque phallique féminin : un pied, une chaussure, une pantoufle, une natte, la chevelure, une culotte, un bas, une jarretelle, un soutien-gorge, etc.… Ces objets sont « fétichisés », ils sont le phallus… qui manque, rendu ainsi présent. Il s’agit bien d’un enjeu de présence.



I » » » » » » » » » » » » »…………

I Fétichisme

I Masochisme

Sujet I Objet ------------------------- Rien

I Voyeurisme

I Homosexualité

I féminine

I » » » » » » » » » ..

Voile

 

 

Reprenons avec le schéma page 156 :

 

I

I

I

Sujet I Objet ------------------------- Rien ou phallus ou symbole

I

I

I

Voile

 

Comme nous le voyons il y a donc le sujet, l’objet et au-delà ce rien (ou symbole ou phallus en tant qu’il manque à la femme).

 

Dès que se place le voile (le rideau), alors sur lui peut se peindre quelque chose qui dit l’objet est au-delà, objet qui peut prendre alors la place du manque et être et comme tel aussi le support de l’amour, mais nous dit Lacan, c’esten tant qu’il n’est pas le point où s’attache le désir car le désir ici apparaît comme métaphore de l’amour mais ce qui l’attache à savoir l’objet apparaît lui en tant qu’illusoire et est valorisé comme illusoire.

 

Le fameux splittling de l’egoou l'IchSpaltung,(processus de refente du moi désignifiant le sujet qui doit s’éclipser (fading) et se réaliser grâce à l'objet) lorsqu’il s’agit du fétiche, est expliqué par le fait que la castration de la femme y est à la fois affirmée et niée. Le fétiche est là, que la femme n’a justement pas perdu le phallus mais que du même coup on peut le lui faire perdre, c’est-à-dire la châtrer.

 

 

Lacan nous dit que l’ambiguïté de la relation au fétiche est constante et sans cesse manifestée dans les symptômes et s’avère comme vécue. Elle est une illusion soutenue et chérie mais vécue dans un équilibre fragile puisqu’à la merci à tous moments du lever ou de l’écroulement du rideau. Dans la relation du fétichisme à son objet, c’est de ce rapport dont il s’agit.

 

Freud dans son texte parle de Verlungnung que Lacan a traduit par « démenti » mais que l’on peut traduire aussi par reniement, à propos de la position fondamentale de déniement dans la position du fétiche, mais il dit également qu’il s’agit de faire tenir debout(aufrecht zu halten) cette relation complexe comme il parlerait d’un décor.

 

Lacan relève les termes employés par Freud qui prennent ici toute leur valeur : « l’horreur de la castration s’est à elle-même posé, dans cette création d’un substitut, un monument = un denkmal ». Bien que le mot trophée n’apparaisse pas, il est là, doublant le signe d’un triomphe = das zeichen des Triumphes = "Le signe de triomphe"

 

Page 157

Ainsi Freud nous fait avancer d’un pas par rapport à certains auteurs qui parleront quant au fétiche de ce par quoi le sujet héraldise son rapport avec le sexe.

 

Avant de voir comment cela se produit, Lacan nous propose d’en rester pour le moment à la structure dans le rapport de l’au-delà et du voile :

 

  • S’imagine, s’instaure sur le voile, comme capture imaginaire et place du désir, la relation a un au-delà qui est fondamentale dans toute instauration de la relation symbolique. Il s’agit là de la descente sur le plan imaginaire du rythme ternaire sujet – objet – au-delà. Autrement dit dans la fonction du voile il s’agit de la projection de la position intermédiaire du sujet.

 

Avant d’aborder l’exigence qui fait que le sujet a besoin d’un voile, Lacan propose que nous regardions un autre biais par lequel il y a aussi l’institution d’un rapport symbolique dans l’imaginaire :

 

Pages 157/158

Ce qui constitue le fétiche et l’élément symbolique qui le fixe et le projette sur le voile est emprunté essentiellement à la voie historique, c'est-à-dire que c’est le moment de l’histoire (du sujet) où l’image s’arrête. Un moment qui se fige soudain, juste avant le moment où le Phallus est cherché dans la mère, phallus qu’elle a ou qu’elle n’a pas et qui doit être vu en tant qu’absence-présence. Ainsi la remémoration de l’histoire s’arrête et se suspend au moment juste avant. Lacan précise que s’il parle de remémoration de l’histoire, c’est qu’il n’ya pas d’autre sens à donner au terme de souvenir-écran(fondamental dans la terminologie et la conceptualisation freudienne = la Deckerihnnerung qui n’est pas simplement un instantané mais surtout un arrêt, une interruption de l’histoire, elle se fige et du même coup elle indique la poursuite de son mouvement au-delà du voile).

 

Le souvenir-écran est relié à l’histoire par toute une chaîne, il est un arrêt dans cette chaîne et c’est en cela qu’il est métonymique car l’histoire de par sa nature continue. S’arrêtant là, la chaine indique sa suite, désormais voilée, une suite absente, le refoulementcomme le dit Freud, qu’en tant bien sûr qu’il y a chaîne symbolique. Mais Lacan de préciser que si l’on peut désigner comme le point de refoulement un phénomène qui peut passer pour imaginaire, puisque le fétiche est d’une certaine façon image, et image projetée, c’est parce que cette image est le point limite entre l’histoire qui se continue et le moment où elle s’interrompt. Elle est signe, repère, du point de refoulement.

 

Nous voyons ici se distinguer la relation à l’objet d’amour et la relation de frustration à l’objet, différentes l’une de l’autre. Ainsi nous dit Lacan :

 

« C’est par une métaphore que l’amour se transfère au désir qui s’attache à l’objet comme illusoire tandis que la constitution de l’objet n’est pas métaphorique mais métonymique ». Celle-ci « est un point dans la chaîne de l’histoire, là où elle s’arrête ; elle est le signe que c’est là que commence l’au-delà constitué par le sujet ».

 

Les questions posées par le fétichisme sont :

 

Pourquoi  est-ce là que le sujet doit constituer cet au-delà ?? Pourquoi le voile est-il plus précieux que la réalité ?? Pourquoi l’ordre de cette relation illusoire devient-il un constituant essentiel, nécessaire, de son rapport avec l’objet ?

 

Lacan nous rapporte ici l’histoire donnée par Freud de ce Monsieur qui avait passé toute son enfance en Angleterre, était venu faire le fétichiste en Allemagne, et qui cherchait toujours un petit brillant sur le nez qu’il voyait d’ailleurs (ein glanz die naze), qui n’était rien d’autre qu’un regard sur le nez, lequel était bien entendu un symbole dont l’expression allemande ne faisait que transposer l’expression anglaise « a glance at the nose ». Ainsi nous voyons bien la chaîne historique se projeter en un point sur le voile, chaîne pouvant contenir une phrase entière et même dans une langue oubliée.

 

Page 159

 

Quelles sont les causes de l’instauration de la structure fétichiste ??

 

Lacan nous dit que les grammairiens ne nous certifient rien et que auteurs sont depuis quelque temps bien embarrassés mais qu’il s’agit de ne pas perdre le contact avec la notion que l’histoire du fétichisme est essentiellement articulée avec le complexe de castrationet que c’est dans les relations préœdipienneset nulle part ailleurs qu’il apparaît le plus certain que la mère phallique est l’élément central, le ressort décisif.

 

Mais comment joindre ces 2 choses ?

 

Lacan se réfère au système de Mélanie Klein, qui structure les 1ères étapes des tendances orales, surtout dans leur moment le plus agressif, en y introduisant la présence du pénis paternel par projection rétroactive = càd en rétroactivant le complexe d’oedipe dans les 1ères relations avec les objets en tant qu’introjectables.

 

Lacan propose de partir de la relation fondamentale qui est celle de l’enfant réel, de la mère symbolique et de sonphallus qui est, pour elle, imaginaire, nous rappelant que c’est un schéma à manier avec précaution car il se concentre sur un plan alors qu’il répond à des plans divers et qu’il entre en fonction à une succession d’étapes de l’histoire. L’enfant pendant longtemps n’est pas capable de s’approprier la relation d’appartenance imaginaire qui fait la profonde division de sa mère à son sujet, les questions sont donc :

 

  • comment et à quel moment cela entre t’il en jeu pour l’enfant ?

  • comment se fait l’entrée de l’enfant dans la relation à l’objet symbolique, en tant que le phallus en est la monnaie majeure ?

 

Il y a là des questions temporelles, chronologiques, d’ordre et de succession que Lacan propose d’aborder, comme l’indique la psychanalyse, sous l’angle de la pathologie.

 

Ainsi il est observé des phénomènes qui se manifestent corrélativement à ce symptôme singulier qui met le sujet dans une relation élective à un fétiche, objet fascinant inscrit sur le voile, autour duquel gravitesa vie érotique. Lacan emploie le mot gravite car le sujet conserve une certaine liberté de mouvement perçue quand on l’analyse.

 

Page 160/161

Lacan cite Binet à propos des éléments qu’il a signalés, à savoir :

 

  • ce point saisissant du souvenir-écran qui fixe l’arrêt au bas de la robe de la mère, voire de son corset,

  • ou encore le rapport ambigu du sujet au fétiche, et l’illusion vécue comme telle et comme telle préférée,

  • et aussi la fonction particulièrement satisfaisante d’un objet inerte et complètement à la merci du sujet pour la manœuvre de ses relations érotiques.

 

Ceci se constate dans l’observation mais il faut analyser pour cerner d’un peu plus près ce qui se passe à chaque fois que, pour une quelconque raison, le recours au fétiche fléchit, s’exténue, s’use ou encore se dérobe :

 

Lacan nous dit que :

 

  • le comportement amoureux, plus simplement la relation érotique du sujet, se résume en une défense, Freud ayant précisé contre l’homosexualité (M. Gillespie ayant rajouté que la marge entre les 2 est extrêmement mince)

 

Donc nous dit Lacan « nous trouvons dans les relations à l’objet amoureux qui organisent ce cycle chez le fétichiste, une alternance d’identifications :

 

  • à la femme,

  • identification affrontée au pénis destructeur,

  • au phallus imaginaire des expériences primordiales de la période oro-anale, centrées sur l’agressivité de la théorique sadique du coït et bien des expériences mises au jour par l’analyse montrent une observation de la scène primitive, perçue comme cruelle, agressive, violente, voire meurtrière.

 

A l’inverse, il y a identification :

 

  • du sujet au phallus imaginaire qui le fait être pour la femme un pur objet qu’elle peut dévorer voire détruire.

 

Il y a oscillation aux 2 pôles de la relation imaginaire primitive et l’enfant s’y est trouvé confronté d’une manière brute, avant que s’instaure la relation dans sa légalité oedipienne par l’introduction du père comme sujet, centre d’ordre et de possession légitime.

Ainsi l’enfant se trouve livré à l’oscillation bipolaire de la relation entre 2 objets inconciliables, aboutissant à une issue destructrice, voire meurtrière.

 

Les observations faites en analyse sont très riches et fructueuses quand elles montrent les mille formes que prend l’actualité de la vie précoce du sujet, le décomplétage fondamental qui livre le sujet à la relation imaginairepar soit identification à la femme, soit de la place prise du phallus imaginaire, càd dans une insuffisante symbolisation de la relation tierce. Certains auteurs notent fréquemment l’absence du père dans l’histoire du suet, la carence du père comme présence.

 

Bien plus on note un certain type de position du sujet, quelquefois singulièrement reproduite dans les fantasmes, celle d’une immobilisation forcée, manifestée parfois par le ligotage réel du sujet (qui a eu lieu) que nous observons dans l’exemple donné par Sylvia Payne : un enfant suite à une extravagante prescription médicale est empêché de marcher jusqu’à ses 2 ans, lié effectivement à son lit ce qui, nous dit Lacan, n’est évidemment pas sans incidence. Il vécut ainsi étroitement surveillé dans la chambre de ses parents, se trouvant sans une position à être livré tout entier à une relation purement visuelle, sans aucune ébauche de réaction musculaire venant de lui. Ainsi sa relation à ses parents était assumée dans la rage et la colère (fétichisme de l’imperméable).

 

Ces cas sont rares mais Lacan de préciser que certains auteurs ont insisté, dans le cas de la phobie, sur l’attitude de certaines mères tenant leur enfant à distance de leur contact comme s’il s’agissait d’une source d’infection, ceci n’étant sans doute pas pour rien dans la prévalence donnée à la relation visuelle dans la constitution de la primitive relation à l’objet maternel.

 

Page 162

Plus instructive est la relation pathologique qui se présente comme l’envers, ou le complément de l’adhérence libidinale au fétiche. Ainsi que tel ou tel sujet soit attaché à un imperméable ou à des souliers paraît de même nature mais structuralement pourtant l’imperméable contient par lui-même des relations et indique une position un peu différente de celles que comportent le soulier ou le corset qui se trouvent être dans la position du voile entre le sujet et l’objet ce qui n’est pas le cas de l’imperméable ni des autres espèces de fétiches vestimentaires + ou – enveloppants. De même, il s’agit de faire sa place à la qualité spéciale du caoutchouc car ce trait rencontré fréquemment ne manque pas de recéler quelque mystère éclairé sans doute psychologiquement par la sensorialité liée au contact avec le caoutchouc, qui peut plus qu’autre chose être pris comme la doublure de la peau ou comporte des qualités spéciales d’isolement. Dans certains centres où il y a observation analytique, il est constaté que l’imperméable ne joue pas un rôle exactement semblable au voile,c’est plutôt ce derrière quoi le sujet se centre, car il ne se situe pas devant le voile mais derrière,à la place de la mère, adhérant à une position identificatoire où celle-ci a besoin d’être protégée, ici par l’enveloppement. Il s’agit d’une égide, dont s’enveloppe le sujet identifié au personnage féminin.

 

C’est ce qui donne la transition entre fétichisme et transvestime.

 

Autre relation typique, les explosions d’un exhibitionnisme, voire vraiment réactionnel, voire ses alternances avec le fétichisme. Cela s’observe lorsque le sujet tente de sortir de son labyrinthe en raison d’une mise en jeu du réel, le plaçant dans un équilibre instable où se produit une cristallisation ou un renversement de sa position. L’illustration la meilleure est celle du cas freudien de l’homosexualité féminine, où l’intervention du père commeélément réel fait s’interchanger les termes. Ce qui était situé dans l’au-delà = le père symbolique, vient se prendre dans la relation imaginaire, tandis que le sujet prend une position homosexuelle démonstrative par rapport au père.

 

D’autres cas où l’on voit le sujet qui a tenté d’accéder à une relation pleine dans certaines conditions de réalisation artificielle, de forçage du réel, exprimer dans un acting-out*, càd sur le plan imaginaire, ce qui était symboliquement latent à la situation. Exemple : le sujet qui tente pour la 1èrefois d’avoir un rapport réel avec une femme mais qui s’y engage dans cette position d’expérience afin de montrer là qu’il en est capable. La femme va lui faciliter la tâche mais dans l’heure qui suit et alors que rien ne laissait supposer de tels symptômes, il se livre à un exercice d’exhibitionnisme en montrant son sexe au passage d’un train international de sorte que personne ne puisse le prendre la main dans le sac.

 

Le sujet a été forcé ici de donner issue à quelque chose qui était implicite à sa position, car son exhibitionnisme est l’expression ou la projection sur le plan imaginaire de quelque chose dont les retentissements symboliques lui échappent, à savoir que l’acte qu’il a tenté de faire était destiné à montrer qu’il était capable, comme un autre, d’avoir une relation normale.

 

Nous retrouvons à plusieurs reprises cette sorte d’exhibitionnisme réactionnel très proche du fétichisme, voire même qui relève franchement du fétichisme.

 

Autre exemple rapporté par Melitta Schmideberg : un homme ayant épousé une femme à peu près 2 fois plus grande que lui, où il jouait le rôle d’ubuesque victime, de souffre-douleur. Cet homme qui faisant face comme il peut à la situation, apprend un jour qu’il va être père, il se précipite alors dans un jardin montrant son organe à un groupe de jeunes filles. Lacan nous dit que là où Mme Schmideberg voit là une perversion, il n’en est rien, que le majeur de la chose est que c’est par un acte d’exhibition que le sujet s’est manifesté à cette occasion. Il s’agit d’un mécanisme de déclenchement par quoi ce qui, dans le réel, vient là de surcroît, inassimilable symboliquement, tend à faire se précipiter ce qui est au fond de la relation symbolique : l’équivalence phallus-enfant.

 

Ainsi cet homme n’assumant en rien sa paternité, et faute d’y croire, est allé montrer au bon endroit l’équivalent de l’enfant, càd ce qui lui restait alors d’usage de son phallus.

 

 

* Précision de Lacan : le passage à l'acte est un acte sans parole (il n'a pas de sens), alors que "l'acting out" est un acte qui pourra être repris dans une verbalisation (il a un sens).

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