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22 avril 2012 7 22 /04 /avril /2012 06:30

 

 

Léo Ferré
IL N'Y A PLUS RIEN



Écoute, écoute... Dans le silence de la mer, il y a comme un balancement maudit qui vous met le coeur à l'heure, avec le sable qui se remonte un peu, comme les vieilles putes qui remontent leur peau, qui tirent la couverture.

Immobile... L'immobilité, ça dérange le siècle.
C'est un peu le sourire de la vitesse, et ça sourit pas lerche, la vitesse, en ces temps.
Les amants de la mer s'en vont en Bretagne ou à Tahiti...
C'est vraiment con, les amants.

IL n'y a plus rien

Camarade maudit, camarade misère...
Misère, c'était le nom de ma chienne qui n'avait que trois pattes.
L'autre, le destin la lui avait mise de côté pour les olympiades de la bouffe et des culs semestriels qu'elle accrochait dans les buissons pour y aller de sa progéniture.
Elle est partie, Misère, dans des cahots, quelque part dans la nuit des chiens.
Camarade tranquille, camarade prospère,
Quand tu rentreras chez toi
Pourquoi chez toi?
Quand tu rentreras dans ta boîte, rue d'Alésia ou du Faubourg
Si tu trouves quelqu'un qui dort dans ton lit,
Si tu y trouves quelqu'un qui dort
Alors va-t-en, dans le matin clairet
Seul
Te marie pas
Si c'est ta femme qui est là, réveille-la de sa mort imagée

Fous-lui une baffe, comme à une qui aurait une syncope ou une crise de nerfs...
Tu pourras lui dire: "T'as pas honte de t'assumer comme ça dans ta liquide sénescence.
Dis, t'as pas honte? Alors qu'il y a quatre-vingt-dix mille espèces de fleurs?
Espèce de conne!
Et barre-toi!
Divorce-la
Te marie pas!
Tu peux tout faire:
T'empaqueter dans le désordre, pour l'honneur, pour la conservation du titre...

Le désordre, c'est l'ordre moins le pouvoir!

Il n'y a plus rien

Je suis un nègre blanc qui mange du cirage
Parce qu'il se fait chier à être blanc, ce nègre,
Il en a marre qu'on lui dise: " Sale blanc!"

A Marseille, la sardine qui bouche le Port
Était bourrée d'héroïne
Et les hommes-grenouilles n'en sont pas revenus...
Libérez les sardines
Et y'aura plus de mareyeurs!

Si tu savais ce que je sais
On te montrerait du doigt dans la rue
Alors il vaut mieux que tu ne saches rien
Comme ça, au moins, tu es peinard, anonyme, Citoyen!

Tu as droit, Citoyen, au minimum décent
A la publicité des enzymes et du charme
Au trafic des dollars et aux traficants d'armes
Qui traînent les journaux dans la boue et le sang
Tu as droit à ce bruit de la mer qui descend
Et si tu veux la prendre elle te fera du charme
Avec le vent au cul et des sextants d'alarme
Et la mer reviendra sans toi si tu es méchant

Les mots... toujours les mots, bien sûr!
Citoyens! Aux armes!
Aux pépées, Citoyens! A l'Amour, Citoyens!
Nous entrerons dans la carrière quand nous aurons cassé la gueule à nos ainés!
Les préfectures sont des monuments en airain... un coup d'aile d'oiseau ne les entame même pas... C'est vous dire!

Nous ne sommes même plus des juifs allemands
Nous ne sommes plus rien

Il n'y a plus rien

Des futals bien coupés sur lesquels lorgnent les gosses, certes!
Des poitrines occupées
Des ventres vacants
Arrange-toi avec ça!

Le sourire de ceux qui font chauffer leur gamelle sur les plages reconverties et démoustiquées
C'est-à-dire en enfer, là où Dieu met ses lunettes noires pour ne pas risquer d'être reconnu par ses admirateurs
Dieu est une idole, aussi!
Sous les pavés il n'y a plus la plage
Il y a l'enfer et la Sécurité
Notre vraie vie n'est pas ailleurs, elle est ici
Nous sommes au monde, on nous l'a assez dit
N'en déplaise à la littérature

Les mots, nous leur mettons des masques, un bâillon sur la tronche
A l'encyclopédie, les mots!
Et nous partons avec nos cris!
Et voilà!

Il n'y a plus rien... plus, plus rien

Je suis un chien?
Perhaps!
Je suis un rat
Rien

Avec le coeur battant jusqu'à la dernière battue

Nous arrivons avec nos accessoires pour faire le ménage dans la tête des gens:
"Apprends donc à te coucher tout nu!
"Fous en l'air tes pantoufles!
"Renverse tes chaises!
"Mange debout!
"Assois-toi sur des tonnes d'inconvenances et montre-toi à la fenêtre en gueulant des gueulantes de principe

Si jamais tu t'aperçois que ta révolte s'encroûte et devient une habituelle révolte, alors,
Sors
Marche
Crève
Baise
Aime enfin les arbres, les bêtes et détourne-toi du conforme et de l'inconforme
Lâche ces notions, si ce sont des notions
Rien ne vaut la peine de rien

Il n'y a plus rien... plus, plus rien

Invente des formules de nuit: CLN... C'est la nuit!
Même au soleil, surtout au soleil, c'est la nuit
Tu peux crever... Les gens ne retiendront même pas une de leur inspiration.
Ils canaliseront sur toi leur air vicié en des regrets éternels puant le certificat d'études et le catéchisme ombilical.
C'est vraiment dégueulasse
Ils te tairont, les gens.
Les gens taisent l'autre, toujours.
Regarde, à table, quand ils mangent...
Ils s'engouffrent dans l'innommé
Ils se dépassent eux-mêmes et s'en vont vers l'ordure et le rot ponctuel!

La ponctuation de l'absurde, c'est bien ce renversement des réacteurs abdominaux, comme à l'atterrissage: on rote et on arrête le massacre.
Sur les pistes de l'inconscient, il y a des balises baveuses toujours un peu se souvenant du frichti, de l'organe, du repu.

Mes plus beaux souvenirs sont d'une autre planète
Où les bouchers vendaient de l'homme à la criée

Moi, je suis de la race ferroviaire qui regarde passer les vaches
Si on ne mangeait pas les vaches, les moutons et les restes
Nous ne connaîtrions ni les vaches, ni les moutons, ni les restes...
Au bout du compte, on nous élève pour nous becqueter
Alors, becquetons!
Côte à l'os pour deux personnes, tu connais?

Heureusement il y a le lit: un parking!
Tu viens, mon amour?
Et puis, c'est comme à la roulette: on mise, on mise...
Si la roulette n'avait qu'un trou, on nous ferait miser quand même
D'ailleurs, c'est ce qu'on fait!
Je comprends les joueurs: ils ont trente-cinq chances de ne pas se faire mettre...
Et ils mettent, ils mettent...
Le drame, dans le couple, c'est qu'on est deux
Et qu'il n'y a qu'un trou dans la roulette...

Quand je vois un couple dans la rue, je change de trottoir

Te marie pas
Ne vote pas
Sinon t'es coincé

Elle était belle comme la révolte
Nous l'avions dans les yeux,
Dans les bras dans nos futals
Elle s'appelait l'imagination

Elle dormait comme une morte, elle était comme morte
Elle sommeillait
On l'enterra de mémoire

Dans le cocktail Molotov, il faut mettre du Martini, mon petit!

Transbahutez vos idées comme de la drogue... Tu risques rien à la frontière
Rien dans les mains
Rien dans les poches

Tout dans la tronche!

- Vous n'avez rien à déclarer?
- Non.
- Comment vous nommez-vous?
- Karl Marx.
- Allez, passez!

Nous partîmes... Nous étions une poignée...
Nous nous retrouverons bientôt démunis, seuls, avec nos projets d'imagination dans le passé
Écoutez-les... Écoutez-les...
Ça rape comme le vin nouveau
Nous partîmes... Nous étions une poignée
Bientôt ça débordera sur les trottoirs
La parlote ça n'est pas un détonateur suffisant
Le silence armé, c'est bien, mais il faut bien fermer sa gueule...
Toutes des concierges!
Écoutez-les...

Il n'y a plus rien

Si les morts se levaient?
Hein?

Nous étions combien?
Ça ira!

La tristesse, toujours la tristesse...

Ils chantaient, ils chantaient...
Dans les rues...

Te marie pas Ceux de San Francisco, de Paris, de Milan
Et ceux de Mexico
Bras dessus bras dessous
Bien accrochés au rêve

Ne vote pas

0 DC8 des Pélicans
Cigognes qui partent à l'heure
Labrador Lèvres des bisons
J'invente en bas des rennes bleus
En habit rouge du couchant
Je vais à l'Ouest de ma mémoire
Vers la Clarté vers la Clarté

Je m'éclaire la Nuit dans le noir de mes nerfs
Dans l'or de mes cheveux j'ai mis cent mille watts
Des circuits sont en panne dans le fond de ma viande
J'imagine le téléphone dans une lande
Celle où nous nous voyons moi et moi
Dans cette brume obscène au crépuscule teint
Je ne suis qu'un voyant embarrassé de signes
Mes circuits déconnectent
Je ne suis qu'un binaire

Mon fils, il faut lever le camp comme lève la pâte
Il est tôt Lève-toi Prends du vin pour la route
Dégaine-toi du rêve anxieux des biens assis
Roule Roule mon fils vers l'étoile idéale
Tu te rencontreras Tu te reconnaîtras
Ton dessin devant toi, tu rentreras dedans
La mue ça ses fait à l'envers dans ce monde inventif
Tu reprendras ta voix de fille et chanteras Demain
Retourne tes yeux au-dedans de toi
Quand tu auras passé le mur du mur
Quand tu auras autrepassé ta vision
Alors tu verras rien

Il n'y a plus rien

Que les pères et les mères
Que ceux qui t'ont fait
Que ceux qui ont fait tous les autres
Que les "monsieur"
Que les "madame"
Que les "assis" dans les velours glacés, soumis, mollasses
Que ces horribles magasins bipèdes et roulants
Qui portent tout en devanture
Tous ceux-là à qui tu pourras dire:

Monsieur!
Madame!

Laissez donc ces gens-là tranquilles
Ces courbettes imaginées que vous leur inventez
Ces désespoirs soumis
Toute cette tristesse qui se lève le matin à heure fixe pour aller gagner VOS sous,
Avec les poumons resserrés
Les mains grandies par l'outrage et les bonnes moeurs
Les yeux défaits par les veilles soucieuses...
Et vous comptez vos sous?
Pardon.... LEURS sous!

Ce qui vous déshonore
C'est la propreté administrative, écologique dont vous tirez orgueil
Dans vos salles de bains climatisées
Dans vos bidets déserts
En vos miroirs menteurs...

Vous faites mentir les miroirs
Vous êtes puissants au point de vous refléter tels que vous êtes
Cravatés
Envisonnés
Empapaoutés de morgue et d'ennui dans l'eau verte qui descend
des montagnes et que vous vous êtes arrangés pour soumettre
A un point donné
A heure fixe
Pour vos narcissiques partouzes.
Vous vous regardez et vous ne pouvez même plus vous reconnaître
Tellement vous êtes beaux
Et vous comptez vos sous
En long
En large
En marge
De ces salaires que vous lâchez avec précision
Avec parcimonie
J'allais dire "en douce" comme ces aquilons avant-coureurs et qui racontent les exploits du bol alimentaire, avec cet apparat vengeur et nivellateur qui empêche toute identification...
Je veux dire que pour exploiter votre prochain, vous êtes les champions de l'anonymat.

Les révolutions? Parlons-en!
Je veux parler des révolutions qu'on peut encore montrer
Parce qu'elles vous servent,
Parce qu'elles vous ont toujours servis,
Ces révolutions de "l'histoire",
Parce que les "histoires" ça vous amuse, avant de vous intéresser,
Et quand ça vous intéresse, il est trop tard, on vous dit qu'il s'en prépare une autre.
Lorsque quelque chose d'inédit vous choque et vous gêne,
Vous vous arrangez la veille, toujours la veille, pour retenir une place
Dans un palace d'exilés, entouré du prestige des déracinés.
Les racines profondes de ce pays, c'est Vous, paraît-il,
Et quand on vous transbahute d'un "désordre de la rue", comme vous dites, à un "ordre nouveau" comme ils disent, vous vous faites greffer au retour et on vous salue.

Depuis deux cent ans, vous prenez des billets pour les révolutions.
Vous seriez même tentés d'y apporter votre petit panier,
Pour n'en pas perdre une miette, n'est-ce-pas?
Et les "vauriens" qui vous amusent, ces "vauriens" qui vous dérangent aussi, on les enveloppe dans un fait divers pendant que vous enveloppez les "vôtres" dans un drapeau.

Vous vous croyez toujours, vous autres, dans un haras!
La race ça vous tient debout dans ce monde que vous avez assis.
Vous avez le style du pouvoir
Vous en arrivez même à vous parler à vous-mêmes
Comme si vous parliez à vos subordonnés,
De peur de quitter votre stature, vos boursouflures, de peur qu'on vous montre du doigt, dans les corridors de l'ennui, et qu'on se dise: "Tiens, il baisse, il va finir par se plier, par ramper"
Soyez tranquilles! Pour la reptation, vous êtes imbattables; seulement, vous ne vous la concédez que dans la métaphore...
Vous voulez bien vous allonger mais avec de l'allure,
Cette "allure" que vous portez, Monsieur, à votre boutonnière,
Et quand on sait ce qu'a pu vous coûter de silences aigres,
De renvois mal aiguillés
De demi-sourires séchés comme des larmes,
Ce ruban malheureux et rouge comme la honte dont vous ne vous êtes jamais décidé à empourprer votre visage,
Je me demande comment et pourquoi la Nature met
Tant d'entêtement,
Tant d'adresse
Et tant d'indifférence biologique
A faire que vos fils ressemblent à ce point à leurs pères,
Depuis les jupes de vos femmes matrimoniaires
Jusqu'aux salonnardes équivoques où vous les dressez à boire,
Dans votre grand monde,
A la coupe des bien-pensants.

Moi, je suis un bâtard.
Nous sommes tous des bâtards.
Ce qui nous sépare, aujourd'hui, c'est que votre bâtardise à vous est sanctionnée par le code civil
Sur lequel, avec votre permission, je me plais à cracher, avant de prendre congé.
Soyez tranquilles, Vous ne risquez Rien

Il n'y a plus rien

Et ce rien, on vous le laisse!
Foutez-vous en jusque-là, si vous pouvez,
Nous, on peut pas.
Un jour, dans dix mille ans,
Quand vous ne serez plus là,
Nous aurons TOUT
Rien de vous
Tout de nous
Nous aurons eu le temps d'inventer la Vie, la Beauté, la Jeunesse,
Les Larmes qui brilleront comme des émeraudes dans les yeux des filles,
Le sourire des bêtes enfin détraquées,
La priorité à Gauche, permettez!

Nous ne mourrons plus de rien
Nous vivrons de tout

Et les microbes de la connerie que nous n'aurez pas manqué de nous léguer, montant
De vos fumures
De vos livres engrangés dans vos silothèques
De vos documents publics
De vos règlements d'administration pénitentiaire
De vos décrets
De vos prières, même,
Tous ces microbes...
Soyez tranquilles,
Nous aurons déjà des machines pour les révoquer

NOUS AURONS TOUT

Dans dix mille ans.

 

http://www.youtube.com/watch?v=LfdvTGIGXKw&feature=youtu.be

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15 avril 2012 7 15 /04 /avril /2012 17:21

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

"Les gens sont les bras ballants devant l'événement, les instincts repliés comme un parapluie, brelochants d'incohérence, réduits à eux-mêmes, c'est-à-dire à rien"

[Céline]

 

 

 

 


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13 avril 2012 5 13 /04 /avril /2012 13:16

 

 

Billet de Cinq. De la tolérance.

par Jean-pierre Journet, mardi 3 avril 2012, 18:25

Mon billet se fiche en une suite sociale inspirée par le propos d’Olivier Douville sur l’amour.

 

Le discours courant ne peut être tenu et soutenu qu’après censure. Ce que l’on nomme censure ici comporte deux pôles : l’un est propre au sujet barré par le surmoi (parle sur moi), cette instance symbolique organisant la subjectivité, et le second est un rapport à l’autre supposé tel à partir de cette subjectivité individuelle.

 

Autrement dit, quel qu’en soit le régime dans un groupe ou une société humaine, l’individu est pour une large part objet d’une censure inconsciente, et fruit patent adonné à la communauté (je veux dire : ce citron que l’on presse). Ce que l’on appelle censure politique ou religieuse - sociale donc - est la reprise consciente de ces deux modalités interdictrices sous forme de symptôme, dont la manifestation observée avec constance est l’absence de tolérance laissée à l’Autre, et conséquemment à l’autre.

 

Ce resserrement a pour effet de circonscrire la parole comme objet suspicieux, à soumettre au serment, au contrat, et l’oppresseur, étant porté par là vers la béance symbolique, se rabat plutôt sur l’objet d’où ça s’émet d’une parole, et c’est à savoir : un corps. Deux formes à ce rabattement : l’agressivité tournée contre soi-même ; l’agressivité tournée contre l’autre. D’évidence, les objets de ces deux formes ne sont pas objectivés ; on en a la démonstration dans ces extrêmes que sont le suicide et le meurtre, actes où se pointe distinctement et secondairement la destructivité.

Voici la situation même à laquelle est portée tout pouvoir, pouvoir d’avoir toujours à être contesté dans ses dits et ses actes ; les « forces de l’ordre » sont là pour le démontrer. La violence n’est jamais loin de la censure, d’être décharge de haine au titre de l’amour. C’est qu’il n’y a de pouvoir que de jouissance. Voilà ce qui est à défendre, en tous sens.

 

Mais la notion même de pouvoir se referme sur un sujet qui en est dénué : ça échappe, la jouissance. Le seul pouvoir qu’opère dès lors le pouvoir social a le transfert pour levier, et c’est bien pour ce fait mis à jour par Freud que l’on voit son déni aujourd’hui trouer toutes les bouches officielles ; j’entends par « bouches officielles » celles qui délivrent du discours politiques, scientifique, psychothérapique, religieux, économique, radiophonique ou télévisé, etc., d’être censurées selon les deux pôles susdits.

 

Pourquoi un tel déni ? Parce que si les individus d’une société ou d’un groupe humain étaient initiés à ce phénomène transférentiel de l’esprit et du langage, ils deviendraient libres d’en user, c’est-à-dire de contre transférer.

Et contre transférer ne saurait se réduire pour se faire à jouer de l’amour et de la haine, mais du langage et de la parole - c’est-à-dire à en passer par la symbolisation. Elle, est le propre de l’humanisation.

 

Il n’y aurait alors plus une masse homogène en acte et en pensée prête à aller passer sa vie dans les usines ou à la guerre pour la morbide mégalomanie de quelques uns, mais une série d’individus dont la seule pacification possible a nom « tolérance », d’être divers et différents. De cela se déduit la possibilité d’un lien social intégrant de l’autre et du soi-même, soit un espace physique et d’abord psychique de tolérance dont l’instance manifeste ne peut être que le Moi. D’où l’importance de l’éducation qui l’alimente.

 

Le seul progrès notable dans ce domaine est évidemment la laïcité, qui permet à chacune et chacun d’avoir une croyance, et néanmoins de ne pas en envahir la communauté. C’est accepter castration, privation et frustration, et l’on voit combien la civilisation actuelle dite occidentale vante et vend exactement le contraire sur l’autel (j’allais dire sur l’étal) du consumérisme dans la forme de structure perverse déjà dépliée ailleurs, poussée jusqu’au délire scatologique d’avoir à consommer nos propres déchets (industriels).

Pour ce qui concerne le lien social du travail et au travail, nous aurions à atteindre à un semblable progrès, puisque ce culte proprement « religieux » au sens ethnographique du terme, culte totalement ritualisé, mène ses ferventes processions chaque matin et chaque soir. Processions de fourmis mécanisées (si bien nommées transports) et zones de temples communautaires (autant d’Entreprises) organisent l’hégémonie envahissant l’espace social et familial. L’oblativité au Nom du Père y bat son plein d’agitations psychophysiques pour recevoir le pain et le vin, augmentés d’un toit, d’un vêtement et autres éléments dont on ne fera pas ici la liste. Pensons simplement qu’ils ressortissent au champ des besoins minimums, dits « minimums sociaux » d’en exclure le sexuel. C’est bien pourquoi ce dernier ne cesse pas d’y faire retour.

 

C’est aussi à ce titre que l’on peut immédiatement reconnaître dans ce que l’on appelle « Entreprise », et jusqu’en la dialectique, le lexique et les comportements qui y sont observés, la structure symbolique de la famille montée sur l’interdit de l’inceste.

 

Bref ; qu’est-ce donc la tolérance ? On ne peut encore la démêler qu’à la grosse d’une métaphore matérialiste, mécanistique. Tel ingénieur l’indique sur le plan d’une pièce mécanique à fabriquer : c’est une tolérance de côte (de taille, de mesure) ; par exemple : x centimètres, + ou - x dixièmes de millimètres. En effet, la machine outil, les matériaux, le corps de l’ouvrier accumulent une marge d’erreurs, d’imprécisions incompressibles et inévitables, et ce sont les contraintes de fabrication, auxquelles s’ajoutent celle du temps.

La tolérance est une précision qui libère de l’Impossible, de l’Absolu - une précision de taille donc -, soit un indice du manque et de la perte possibles. Il s’agit d’un jeu, et d’une liberté.

 

C’est pourtant à partir de deux premiers paramètres - manque de précision et perte de temps - que s’organise en vertu de la censure jusqu’à l’absurde et l’ubuesque l’exigence professionnelle dans la verticalité d’une hiérarchie symbolique et subjectivante.

 

Sur ce fait quotidien de la coupure symbolique, les individus qui composent cette hiérarchie sont totalement effacés, je veux dire : ils sont démis de leur identité (du nom de leur père) et prennent pour identité, par identifications, les blasons, les couleurs de l’entreprise (jusqu’aux vêtements siglés), comme naguère l’écu d’un chevalier si possible baron, comte ou prince (aujourd’hui, les baronnies sont les « corps de métiers »). le nom propre devient un prénom.

Selon quoi les mythes infantiles maintenus par la croyance et métaphorisés dans l’étayage des adultes aliènent profondément ces derniers, et plus sûrement qu’aucune autre proposition ouvrant à la désillusion freudienne, certes difficile mais incontournable, de l’être parlant, sexué et mortel - j’ai nommé l’humain.

 

On ne voit pas, de nos jours ce qui a pu être modifié de ce montage social, très-antique structure d’être originellement et actuellement familiale, sinon les images et l’imaginaire qui le recouvrent de leurs guipures artificielles (je veux dire : d’art soumis, de design, de logos- emblèmes et non-verbaux).

Tout juste entre l’esclavage et le salariat une différence est relevable : l’oppression, de moins s’exercer par la violence physique, s’exerce plus par la violence psychique comme on le voit à travers les actuelles « souffrances au travail ». C’est bien pourquoi la réponse politique est comportementale, d’avoir à dénier le sujet pour maintenir les illusions qui défendent la jouissance de quelques-uns.

 

Mais la souffrance au travail, c’est l’oppression physique et psychique qui la produit, et chaque individu dans la cascade hiérarchique doit en répondre de quelque chose. Or cela ne se peut qu’à reconnaître l’interdépendance transférentielle propre à l’être parlant si l’on veut avancer vers l’apaisement tant promis par la civilisation. L’hyperactivité et l’excitation qu’on voit décharger partout et n’importe où aujourd’hui devraient assez nous en indiquer le chemin, si toutefois le désir et la jouissance étaient un peu questionnés. 

 

Quoiqu’il en soit, le voile imaginaire est ici isolé, n’est-ce pas, du fait même de l’avoir symbolisé avec assez de précision pour notre propos.

 

Dès lors, levons-le et allons plus avant. Ce n’est pas difficile : il s’agit de penser. Un autre art, subversif celui-ci, nous en indique le lieu, et c’est du corps ; j’ai nommé : la sculpture - et en particulier celle fameuse de Rodin, coulée dans le bronze pour attendre son heure.

 

J.P. Journet.

Avril 2012.

 

 

 

Un travail en pierre.

 

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12 avril 2012 4 12 /04 /avril /2012 16:00

 

 

Un matin, ni plus beau, ni plus clair

Ni plus tragique qu'à l'habitude

Eveillé brutalement, larmes de rasoir

Il se découvre, sans effroi,

Volé, envolé, trépané.

 

Depuis il attend,

Et

Certains s'étonnent

D'autres se gaussent

D'aucuns s'apeurent

 

Mais le feu se fait plus intense

Etreindre devient plus urgent

 

Lui attend,

Vide

Sans savoir quand ...

 

Enflammé de l'intérieur

 

 

 

 

 

Ecrit en salut à Régis Nebout - Le Chancre Lyrique

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9 avril 2012 1 09 /04 /avril /2012 08:33

 

 

 

Je n'aurais pas su mieux dire ... merci Gaspard Proust

 

 

 

Ma chère République,

Je suis venu te dire que je m'en vais. Et tes appels au vote ne pourront rien y changer. Je viens de recevoir une lettre du consulat du Brésil, ils ont accepté ma demande de naturalisation. À partir du 7 mai, c'est sous le tropique du Capricorne que j'irai marier des candidats à des principes. Que veux-tu, je suis devenu un pédophile démocratique, c'est aux femmes en croissance que j'aime choisir des macs.

Tu t'en remettras. On nous comptera bien, nous, les abstinents, au soir du deuxième tour. Les commentateurs s'en indigneront. Une fois de plus on criera à la démocratie malade ; à l'irascible pessimisme français. Duhamel en aura la coupe au bol hirsute ; Apathie, les sourcils si remontés qu'on lui croira la chevelure revenue. Cayrol marmonnera que c'était prévu. On le comprend ; n'a-t-on jamais vu un boucher prêcher le végétalisme ?

Le lendemain, les médias réchaufferont au micro-ondes de leur routine les restes de la soirée. Le deuxième jour, ils assaisonneront les abats, puis l'actualité servira d'autres viandes : "Qui pour Premier ministre ? Qui au perchoir ? Etc." En trois jours, nous serons une anecdote. En une semaine, un souvenir. L'Ina s'occupera de l'équarrissage définitif de notre indignation muette. Tu es née poussière amniotique ; tu finiras poussière numérique. Si la réincarnation existe, ça sera sous forme de bêtisier.

Peu importe. Je serai loin.

Aussi loin que peuvent me sembler les dimanches que j'ai autrefois consacrés à te choisir tes Adonis constitutionnels.

Trop longtemps j'ai pris sur moi de partager avec le peuple ce devoir conjugal d'aller te pousser dans les bras de ton intérimaire de la République. Trop longtemps, c'est à lui que j'ai dû me mêler pour aller t'élire l'étalon susceptible de t'enfanter de la réforme.

J'en ai soupé du peuple... De ce peuple que de toutes parts on adule, que de toutes parts on flatte, ce peuple, qui s'indigne lorsqu'un de ses représentants ne connaît pas le prix de la baguette, alors qu'il est, lui, parfaitement incapable de te citer le principe de subsidiarité sur lequel pourtant il vote... Le peuple, ce mot-valise, ce concept nécessairement positif dont chaque parti se réclame actionnaire majoritaire. Le peuple, cette escroquerie sémantique qui accole au nombre le talent de sagesse.

Comme il est nombreux, c'est qu'il doit être infaillible ! Implacable raisonnement ! On l'a bien vu en 1933. Jamais je n'ai pensé pareille ânerie. Aussi dense soit-elle, la boue séchée n'a jamais fait le marbre.

Oui, c'est avec lui que j'ai dû te partager... Et pour garder ses suffrages, tu n'as jamais osé le remettre en question.

Depuis 1894, directement ou indirectement, tu en as fait ton fournisseur officiel de Casanova. Tu ne t'en es jamais plainte, tu te croyais plus forte. Tous tes lauréats sont arrivés fringants, tous sont repartis usés. Par ton protocole, tes manières, ton goût immodéré pour le faste, ta peur de déplaire...

Le seul iconoclaste fut Félix Faure. Sous tes dorures, il eut le génie d'entrer dans l'éternité en associant à son ultime éjaculation un AVC. Ce dernier regard, cette apoplexie coïtale enrobée de favoris Belle Époque, j'espère qu'il hante encore ta mémoire.

Comme toute entretenue honteuse, pour mieux supporter ton vice, tu t'es fardée de beaux principes qui ne trompent plus que toi-même.

Avec l'aplomb des camelots, tu t'acharnes à croire que c'est ton universalisme qui illumine le monde. Tu te prends pour le phare d'Alexandrie du XXIe siècle quand tu n'es plus qu'une flammèche anorexique gobant les derniers grammes d'oxygène qui peuplent encore la cave que tu occupes au sous-sol de la mondialisation.

Il faudra t'y faire, Nana... Ce qui fait bander le monde, ce n'est pas ta petite charte - verbeux plagiat des dix commandements -, mais cet incroyable talent que tu possèdes pour réconcilier la catin avec Vénus. Ton coup de maître, c'est d'avoir insufflé cet esprit dans ce fabuleux pays qu'est la France.

Il faut que tu en sois consciente ; l'entrecuisse de tes principes, elle ne sent ni Rousseau ni Voltaire. Elle sent le miasme de femme flambée au Chanel 5. Si le monde se retourne encore sur toi, c'est parce que de tous tes pores tu fouettes à plein nez la soie frottée au foutre.

Tes odeurs à toi, ce n'est pas l'haleine fétide que le sénateur souffle sur l'alinéa que l'Assemblée discute, mais les vapeurs foudroyantes de l'inconnue de la Madeleine, la sensualité infinie d'un terroir de la Côte de Nuits, la moiteur douce de la côte de Granit rose autant que l'odeur de graisse brûlante qu'éjacule l'ortolan lorsqu'on le fait craquer sous la molaire.

Ta lumière, ce ne sont pas tes idées dont le monde entier se fiche aujourd'hui, mais ces rayons irréels, à la fois pâles et profonds, que le promeneur touché par la grâce saisit parfois sur les pierres des Tuileries aux crépuscules clairs.

Ta mélodie intérieure, ce ne sont pas les discours à l'ONU, mais celle produite par toutes ces jambes qui, dans les cabarets de Pigalle, adjugent à coups de french cancan à la planète entière ses lots de fantasmes mousseux.

Quel paradoxe ! Qui eût pu croire un instant que la volupté pouvait être inventée au pays de Hobbits aigris...

Peu importe, c'est du passé...

Le 7 mai, lorsque le soleil irradiera mes orteils sur une plage de Copacabana et que le clapot lent accompagnera vers le néant du monde mes dernières nostalgies européennes, tes créanciers prodigues iront te présenter la facture de tes fastes. D'avance, je connais ta réaction : tu te poseras en victime, tu crieras au complot. Ciel, ma bourse ! Le déficit, c'est les autres ! Comme d'habitude... Tu ne changeras jamais, Nana...

Tu finiras hoquetante de belles idées, affalée sur ton lit de principes momifiés, à puruler de toutes tes fentes le sébum de ta frivolité passée... Si tu avais le goût de l'ironie - trait que tu n'as plus depuis que tu as décrété que l'aristocratie était ringarde -, tu te serais débrouillée pour mourir dans les bras de Cheminade. Delacroix parmi nous, il en eût fait un tableau. Il l'aurait intitulé "Le clown veillant la pouffe".

Adieu.

Ton abstentionniste absolu

 

 

 

http://www.lepoint.fr/invites-du-point/espace-delation-de-gaspard-proust-adieu-chere-republique-08-04-2012-1449588_420.php

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7 avril 2012 6 07 /04 /avril /2012 10:31

 

 

 

 

 

"L'autre comme support illusoire de nos boues intérieures" [Bernard Auriol]

   

La phobie de l'autre, destructeur et qu'il faut donc battre à tous prix nous renvoie toujours à ce que nous n'avons pas épuré en nous !  
La Paix est un état d'esprit, mais bien plus encore elle ne s'engendre que dès lors que l'Autre n'est pas autre que nous-mêmes ! Nous voyons cela dans les phénomènes de délinquance, il n'y a pas d'autre, mais un objet à convoiter et ce quel que soit l'objet ! C'est une absence d'ancrage à la réalité ! Si l'autre est mon ennemi ou celui qui serait susceptible de me tuer au propre comme au figuré, alors la guerre est assurée. Nous avons tous en nous cette part d'ombre et de destructivité, c'est d'ailleurs profondément humain, le tout est de l'assumer totalement et en l'assumant de la contrôler....au mieux ! 

 

 

 

 

 

 

 


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1 avril 2012 7 01 /04 /avril /2012 10:23

 

 

 

L'Autre est un con par définition en particulier quand il ne va pas dans le sens du vent.
L'agresser, lui trouver toutes les casseroles possibles, réelles ou figurées, est à n'en point douter une défense pour le moins douteuse qui d'ailleurs ne règle pas le problème soulevé ..
Au fond comme on se sent morveux, on se mouche comme on peut ! Nous sommes dans une immense cour de maternelle et ce n'est pas rassurant !
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30 mars 2012 5 30 /03 /mars /2012 16:37

 

Dans sa tête
Il y avait des silences
Comme des tonnerres
Muets

C’était la zone
Chez lui.
Il y faisait noir
Même en plein jour

Il ne dormait plus,
Même en rêve
Sa vie
Tenait juste
A un fil, de soie
Ténu, si fin
Qu’il ne le voyait plus

Un fil d’une vie sans faim

Un matin, il est parti
Il l’avait dit
Personne n’y croyait
Pas même sa mère,
Dont la énième gifle
Fit bât rage.

Il n’y eut
Ni haine,
Ni pardon
Ni mots

Personne ne le revit plus.

 

 

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28 mars 2012 3 28 /03 /mars /2012 08:23

 

 

 

 

 

 

L'enculage de mouches (paix à elles)

et

le blabla hystérique sont devenus des sports nationaux ...

 

 

 

 

La socionévrose hystérique de nos sociétés démocratiques...


Notre actuelle "société démocratique" est inondée en permanence par des flots d’images produites par l’omniprésente télévision, les réseaux informatiques, les journaux, l’affichage publicitaire et la propagande politique.
Cette submersion collective par les images est tout à fait remarquable aujourd’hui, mais c’est, bien sûr, leur rôle d’identification qui permet d’y reconnaître une socionévrose hystérique.



Cette "société démocratique" érige un spectacle ou l’on propose des rôles auxquels chacun peut s’identifier au moyen d’accessoires produits industriellement et diffusés en masse sur le marché actuel ; accoutrements vestimentaires, gadgets électroniques, ameublement et décors, livres et autres objets prétendument culturels.
Des associations pertinentes de ces divers éléments sont proposées à chacun/chacune grâce aux compositions audiovisuelles de la publicité commerciale et de la propagande politique : rôle de "jeune", de "responsable d’entreprise", de "révolté", "d’intellectuel" et de "créatif", tous rôles permettant à chacun de se choisir une personnalité d’emprunt et éventuellement d’en changer à chaque saison.

A cette mise en scène permanente répond donc une mythomanie généralisée, une plasticité de la personne et surtout une occultation complète de la réalité vécue.
Le chômeur, le salarié, le téléspectateur, le cadre humilié s’identifie à Bill Gates, à Madonna, à Zidane, à Ben Laden, au séducteur ou à la séductrice du dernier feuilleton télévisé, plutôt qu’à leur consternante réalité qui n’a aucune place dans ce spectacle.
La mythomanie généralisée actuelle résulte bien d’un vide abyssal de la personnalité, d’une occultation complète du sujet vivant individuel.

Si le mensonge a réussi à dominer toute la vie sociale moderne, c’est bien d’abord parce qu’il rencontrait un tel vide... et qu’il permettait de le combler illusoirement.
L’actuelle socionévrose hystérique se manifeste encore par une érotisation ostentatoire de toute la vie sociale moderne, accompagnée d’un manque tout aussi manifeste de satisfaction sexuelle.
La banalisation des images et des spectacles érotiques est assurément un fait nouveau dans nos sociétés. L’industrie florissante et indiscrète de films, de revues et d’ouvrages pornographiques témoigne déjà de cette invasion de notre monde par l’imagerie sexuelle, naguère cachée et honteuse, comme aussi de l’insatisfaction sexuelle de ceux qui s’en rassasient.
Mais plus encore que ce commerce spécialisé, c’est l’érotisation de la publicité, des accoutrements vestimentaires et même du vocabulaire commun qui aurait étonné nos concitoyens d’il y a moins d’un siècle.
Est-il besoin de telles mises en scène érotiques pour vanter les mérites d’un appareil électroménager ou d’une boisson gazeuse ?

Quant aux conduites sexuelles réelles et surtout aux satisfactions qu’elles procurent, on peut mesurer leur vide tragique à l’aune de telles préoccupations et d’un tel exhibitionnisme.
Elles sont, au sens propre, des conduites hystériques.
Cette façon de n’être au monde que par la médiation d’images a donné lieu à d’extravagantes manifestations collectives, caractéristiques de notre époque hystérique... et que l’histoire n’avait pas revu depuis le bas Empire romain.
L’extraordinaire importance des rassemblements sportifs d’un bout à l’autre du monde et l’intérêt que leur apportent les médias relèvent bien de l’hystérie moderne.
Il en est de même des “divertissements” musicaux actuels.
À Woodstock ou à Bercy, comme dans les rues de la “fête de la musique”, des auditeurs-supporters s’identifient aux histrions de l’estrade et se mettent eux-mêmes en spectacle comme amateurs éclairés, recouverts de l’aura de leur modèle admirable.
L’identification est si complète et le modèle si parfaitement intériorisé qu’il peut n’être aujourd’hui que fantasmé dans des raves party ou des gay prides.

Cette hystérie collective est aisément mobilisable par les gestionnaires actuels pour diriger les foules et les faire participer à des entreprises utiles dans certaines conjonctures économiques.
Les fêtes de Nurenberg, les grandes manifestations fascistes, les défilés de la place Rouge ou la militarisation des écoliers maoïstes... ont montré au monde ce qu’un pouvoir pouvait faire à partir d’une telle folie.
Cette utilisation politique de l’hystérie collective est maintenant devenue habituelle.
Elle est à l’oeuvre dans toutes les élections des pays dits “démocratiques” : pour chaque candidat, il s’agit de présenter au public une image adéquate à laquelle il pourra s’identifier et, par son vote, se hisser lui-même au niveau de sa propre représentation.
Le récent triomphe de Barack Obama à l’élection présidentielle Américaine en est le plus sinistre exemple, à la limite de la caricature même... et son effondrement sera à la hauteur de ses promesses illusoires.
 


http://www.gatsbyonline.com/main.aspx?page=text&id=425&cat=ataraxie

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24 mars 2012 6 24 /03 /mars /2012 17:50

 

 

Cioran est le désespoir personnifié, le désenchantement absolu, à tel point que certains de ses écrits m'ont parfois fait éclater de rire. J'en déduis que la désillusion quand elle devient un art peut amuser.

 

Je me régale de son "inconvénient d'être né" où il écrit « Si autrefois, devant un mort, je me demandais : “À quoi cela lui a-t-il servi de naître ? ”, la même question, maintenant, je me la pose devant n’importe quel vivant. » ! 

 

Cioran se méfie de la vie et de la bonne santé, mais pour le dire il y met le style, celui d'une écriture certes désespérée mais si étonnamment énergique. Il nous mène à ce qui finalement nous attend tous, la décomposition, juste que Cioran la met en scène vivant, au fond son nihilisme nous prépare en quelque sorte à tout laisser, notamment à laisser le monde se démerder tout seul en nous prévenant que « Toute indignation – de la rouspétance au luciférianisme – marque un arrêt dans l’évolution mentale. »

 

Ses livres sont à mettre entre toutes les mains, notamment entre celles des ivres d'arrogance et de certitudes, lire Cioran c'est indéniablement apprendre à lâcher l'orgueil, c'est se coltiner à la modestie par le désenchantement, à l'ironie par appréhension du non sens, c'est s'appliquer à la précision de son non savoir !

 

Cioran est un génie, un artificier de la décomposition, un anarchiste du désespoir, un opposé absolu à toute idéologie quand bien même il ait pu en son temps et très jeune, lui qui avait besoin de folie, adorer Hitler ! Sa fugue en France mettra fin à cette "délirance". Le français, il le maîtrisera comme un Maître, il dira d'ailleurs "On n'habite pas un pays, on habite une langue. Une patrie, c'est cela, et rien d'autre". Il a habité la langue française sans aucun doute et avec quel talent.

 

Sollers a bien raison de dire de Cioran qu'il est "un type extraordinaire" lui qui voulait écrire sur sa porte les avertissements suivants :

 

"Toute visite est une agression ou J'en veux à qui veut me voir ou N'entrez pas, soyez charitable, ou Tout visage me dérange, ou Je n'y suis jamais, ou Maudit soit qui sonne, ou Je ne connais personne, ou Fou dangereux."


 


 

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